De la fast à la fair fashion

Juin 5, 2023 | Actualités Fastmag, Tendances

Depuis quelques années, nombreux sont les consommateurs qui cherchent à se réapproprier leurs achats et à donner un sens à leurs actions. La mode n’est pas épargnée par ce phénomène, bien au contraire. Recherche de produits durables, confectionnés avec des matériaux de qualité, dans un style intemporel, fabriqués à partir de matières premières biologiques, et produites localement, dans des conditions de travail décentes, tels sont les critères recherchés. La fast fashion, modèle économique en plein essor depuis les années 1990 est de plus en plus décriée. A contre-courant, la fair fashion a vu le jour ces dernières années, pour pallier les dérives de cette tendance consumériste.

La fast fashion, de quoi parle-t-on exactement ?

La fast fashion a fait son apparition dans la fin des années 1990 et le début des années 2000, puis son apogée dans les années 2010. Elle a été propulsée par des enseignes comme Zara, H&M, Primark ou encore Shein plus récemment, cette dernière étant considérée par beaucoup comme le symbole même d’une mode déraisonnée.

Le modèle commercial de ses enseignes repose sur des collections renouvelées chaque semaine, des vêtements fabriqués à grande échelle, avec des matières premières au rabais, dans des pays à faible coût où les conditions de travail sont souvent déplorables.

Des collections renouvelées trop souvent

Le credo des marques de fast fashion : renouveler régulièrement les produits mis en vente. Ainsi, une enseigne dans ce secteur peut sortir jusqu’à 36 collections dans l’année quand une marque classique en sort 4. Shein va bien plus loin en se targuant de sortir 500 nouveautés par jour, au point que le terme de fast fashion ne soit plus suffisant et qu’il faille le remplacer par celui d’ultra fashion.

L’enjeu : faire revenir les clients le plus souvent possible, perpétuer une demande constante pour de nouveaux produits, rendant has-been des modèles sortis quelques mois auparavant, le tout propulsé par de grandes campagnes publicitaires. Résultat : une surconsommation encouragée par des prix bas, et des placards qui débordent de vêtements qui ne sont pour la plupart pas portés, et qui finissent dans les ordures chaque année.

Des conditions de travail déplorables

Les vêtements issus de la fast fashion sont souvent réalisés dans des conditions de travail déplorables. On se souvient tous de l’effondrement en 2013 du Rana Plaza au Bengladesh – qui abritait des ateliers de confection pour des grandes marques occidentales – au lourd bilan de 1 130 personnes décès. Ce dramatique accident a mis en lumière des conditions de travail dangereuses des travailleurs du textile, des risques pour la santé liés à des locaux vétustes mais aussi une exposition aux produits chimiques. Certains salariés du textile travaillent presque 12 heures par jour, quand on ne parle pas tout simplement de travailleurs forcés. En contrepartie, le salaire le plus faible au monde : 0,32$ de l’heure pour les ouvrières bangladaises.

Mais cela ne s’arrête pas là et les droits humains sont parfois piétinés sur toute la chaîne de production, à commencer par les paysans qui cultivent le coton en Inde, obligés de contracter des emprunts pour faire l’acquisition de semences OGM dans l’espoir d’augmenter leur rendement.

Des matières premières au rabais

Afin de pouvoir tirer sans cesse les prix vers le bas, les matières premières doivent coûter le moins cher possible. Ainsi, la plupart des vêtements issus de la fast fashion sont fabriqués à partir de polyester, un dérivé du pétrole, libérant des microfibres à chaque lavage et mettant des centaines d’années à se décomposer. Nocives pour l’environnement, l’ADEME estime que ces substances relâchées dans les cours d’eau, qui finissent dans les océans, représentent chaque année l’équivalent de 50 milliards de bouteilles plastiques.

Autre composant de ces produits : le coton, gourmand en eau, puisé et détourné des nappes phréatiques, ainsi qu’en engrais chimiques qui s’infiltrent ensuite dans les cours d’eau, et enfin en pesticides. La teinture des vêtements est loin d’être neutre : elle nécessite l’utilisation de nombreux produits toxiques rejetés dans l’environnement, qui finissent une fois de plus dans les cours d’eau.

Enfin, que dire des émissions de CO2 liées au transport de marchandises jusqu’au point de vente final…

La fair fashion, qu’est-ce que c’est ?

La fair fashion s’oppose drastiquement à la fast fashion et repose sur des principes fondamentaux que sont la durabilité, l’impact environnemental, l’éthique et la transparence.

La durabilité, au cœur de la slow fashion

La slow fashion, aux antipodes de la fast fashion, s’attache à rendre le produit le plus durable possible. Les vêtements doivent être solides et résister dans le temps, à l’inverse des collants qui se filent dès la première utilisation. La production y est moins intensive, en petite quantité, en prenant le temps d’élaborer le vêtement afin qu’il dure le plus longtemps possible, et de choisir des coupes, des styles et des matériaux intemporels.

On est ici dans une démarche de qualité plutôt que de quantité et le vêtement est un investissement dans le temps. Pour le faire durer le plus longtemps, il est essentiel d’en prendre soin, en le lavant le moins souvent possible, de préférence à l’eau froide, en le faisant sécher à l’air libre et en le repassant à basse température.

L’impact environnemental

La réduction de l’impact environnemental de la production passe avant tout par le choix des matières premières : matériaux « nobles » comme la laine, la soie ou le cashmere, coton bio, bannissement des produits dérivés du pétrole, ressources renouvelables produites dans nos régions et peu consommatrices en eau comme le chanvre ou le lin, matériaux recyclés…La fabrication doit aussi respecter des critères environnementaux en évitant l’utilisation de produits chimiques pour les teintures et en privilégiant tout ce qui est naturel. Certaines marques font le choix d’être végan, et de ne pas utiliser de cuir, d’autres de limiter le recours à la laine, en raison de l’empreinte carbone élevé des élevages de moutons.

Les conditions de travail

On l’a vu, les conditions de travail des salariés de la fast fashion sont souvent déplorables. La fair fashion, à l’inverse, vise à garantir des salaires justes, des conditions de travail saines, en toute sécurité et dignité, ainsi que des heures de travail raisonnables à tous les travailleurs de la chaîne d’approvisionnement, de la culture des matières premières à la production des vêtements.

La transparence

C’est souvent ici que le bât blesse, tant les maillons dans la chaîne d’approvisionnement sont nombreux. Les consommateurs doivent avoir accès à des informations quant au processus de fabrication choisi, aux matières premières utilisées et aux conditions de travail des intervenants. Toutefois, ces informations sont rarement accessibles au grand public, même pour les marques engagées dans une démarche de fair fashion.

Le boom de la seconde main, de l’upcycling et de la location de vêtements

Le marché de la seconde main est en plein essor, dans tous les secteurs et en particulier dans la mode. On ne compte plus les applications qui permettent de revendre les produits entre particuliers comme Vinted, LebonCoin et Vestiaire Collective ou les magasins dédiés comme Kilo Shop. Certains points de vente surfent sur cette vague et proposent également des corners de seconde main. Ces magasins/espaces d’occasion et les sites de revente en ligne offrent une alternative durable et abordable pour bon nombre de clients.

D’autres marques se sont spécialisées dans l’upcycling. Il s’agit ici de valoriser des vêtements déjà existants dont on ne se sert plus, ou des tissus inutilisés. Après une vérification et un nettoyage, ils seront utilisés pour fabriquer de nouveaux vêtements.

Enfin, dernière pratique encore peu répandue, mais qui commence à gagner du terrain : louer ses vêtements plutôt que de les acheter.

Les inconvenients des marketplaces

Pourquoi cette bascule entre fast et fair fashion ?

La fair fashion s’inscrit comme une réponse aux préoccupations croissantes concernant l’impact environnemental de l’industrie de la mode, les conditions de travail d’un bon nombre de salariés du secteur et la surconsommation de vêtements. Dans ce modèle, les consommateurs sont encouragés à investir dans des produits de qualité plutôt que d’acheter des vêtements jetables à bas prix qui, s’ils ne sont pas abîmés en 4 ou 5 lavages, deviendront démodés la saison suivante. Le choix des mots a une importance : le vêtement devient un investissement, dont la vocation est de durer dans le temps, au lieu d’être un consommable.

Comment passer de l’un à l’autre ?

En tant que consommateur, il n’est pas toujours facile de savoir si le vêtement que l’on veut acheter est écoresponsable. Beaucoup de marques surfent sur la vague fair fashion, certaines avec succès, d’autres simplement par aubaine.

Les labels

Il existe plusieurs labels dans le textile et la chaussure, censés offrir des garanties aux clients : 

  • Écolabel européen certifie une production et une consommation responsables, et une transition vers une économie circulaire ;
  • Demeter pour les entreprises du secteur textile qui répondent aux exigences issues de l’agriculture biodynamique (approche permettant de régénérer les sols et de développer la biodiversité des fermes) ;
  • Global Organic Textile Standard (GOTS) développé pour définir des exigences mondialement reconnues pour les textiles biologiques, de la récolte des matières premières à l’étiquetage en passant par la fabrication qui se veut écologique et socialement responsable ;
  • BioRé ® concerne les tissus issus de la culture biologique du coton ;
  • Ecocert Textile vise l’intégration de la protection de l’environnement à chaque étape de la fabrication, le développement de filières socialement responsables et la sécurisation du secteur face à la complexité de la chaîne d’approvisionnement ;
  • Made in Green by Oeko-Tex certifie que les textiles et les produits en cuir ont été fabriqués dans des installations respectueuses de l’environnement, et dans des conditions de travail sûres et socialement responsables ;
  • Bluesign ® s’assure du respect de strictes normes tout au long de la chaîne de production et d’approvisionnement ;
  • Max Havelaar agit pour un commerce équitable, respectueux des droits humains et de l’environnement.

Réduire sa consommation

En France, chaque année, ce sont près de 10 kg de textiles et de chaussures qui sont achetés par habitant. Bien souvent, la plupart de ces vêtements sont portés seulement une ou deux fois. Face à ce constat, une question se pose avant un achat : en ai-je besoin ? Est-ce que le produit me plaît vraiment ou suis-je plutôt attiré par son prix ? Ai-je déjà un produit dans le même style ? Va-t-il être encore « portable » d’ici quelques mois ? Si tous les warnings sont au rouge, passez votre chemin, sinon, regardez si une alternative existe en seconde main.

Qu’est-ce que cela implique pour les commerces et les marques ?

De plus en plus de commerces et de marques ont compris l’importance de s’adapter au changement de mode de consommation et essayent aujourd’hui d’apporter des réponses cohérentes. On ne compte plus les enseignes qui sortent des collections capsules éthiques et responsables. De même, certaines proposent des programmes pour reprendre les anciens vêtements, en échange d’un bon d’achat, puis de les remettre en rayon dans un coin dédié à la seconde main. D’autres marques promettent la réalisation de projets solidaires – comme de planter un arbre – en échange d’un achat. Effet d’aubaine ? Réponse aux problèmes environnementaux ? Ou coup de communication visant à améliorer leur image et à capter les consommateurs qui s’interrogent sur leurs achats ? L’impact de ces collections est faible au regard du reste de la production, et le greenwashing (pratique faisant croire que la marque s’engage pour la protection de l’environnement et le développement durable, alors qu’il n’en est rien) est tentant. Dans ces conditions, les consommateurs doivent souvent effectuer des recherches sur les marques de vêtements qu’ils achètent pour démêler le vrai du faux.

En résumé

  • La fast fashion, ce sont des collections renouvelées sans cesse, des conditions de travail déplorables et des processus de fabrication néfastes pour l’environnement ;
  • La fair fashion, à l’inverse, vise à créer des vêtements durables, avec des matériaux respectueux de l’environnement et dans des conditions de travail dignes ;
  • Passer de l’un à l’autre signifie consommer autrement : faire durer les vêtements le plus longtemps possible, choisir des produits dont on connait l’origine, notamment grâce aux labels, réduire sa consommation et privilégier la seconde main ;
  • Les marques doivent se réinventer pour répondre à ces nouvelles attentes : certaines s’engagent véritablement, d’autres y voient un effet d’aubaine.

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